Je souffre de dépression. Ce ne sont pas que des jours tristes qui s’améliorent avec le yoga ou du temps passé avec des amis. Ma dépression est physiologique, implacable et impitoyable. Quand elle frappe, même la plus simple des tâches – comme s’habiller ou prendre une douche – semble insurmontable.
La dépression est une maladie, mais contrairement à d’autres souffrant de maladies « classiques », je ne vais pas demander à des amis de l’aide ou appeler le travail pour dire que je suis malade parce que je ne veux pas qu’on me juge. Je ne veux pas que les gens me traitent différemment parce que j’ai une maladie mentale.
Je dois prendre des médicaments tous les jours de ma vie. Comme toutes les personnes atteintes de maladies cardiaques ou de diabète et qui prennent des médicaments pour améliorer leur condition. Les médicaments m’assurent la capacité de me lever le matin, prendre soin de ma famille, travailler et dormir toute la nuit.
Ça a l’air assez simple, n’est-ce pas ?
Comprenez ceci : sans médicaments, je ne peux faire aucune de ces choses. Sans médicaments, je n’ai aucun intérêt dans la vie. Je me force à aller travailler, je suis aux prises avec des problèmes d’attention et j’ai du mal à entretenir des relations, même avec mes amis les plus proches. Je compense en étant bruyante et turbulente ou je me retire, tout simplement.
Sans médicaments, je me consume avec une tristesse écrasante, si intense qu’elle me terrifie. Je ne trouve pas le bonheur dans les choses simples comme la musique, les mots, la foi. Tout n’est que silence. Lorsque la dépression s’installe, je peux à peine penser – encore moins agir – rationnellement.
Depuis 4 mois, j’ai arrêté mes médicaments antidépresseurs parce que je pensais être arrivée à un moment de ma vie où je n’avais plus besoin d’intervention médicale. J’ai eu un bon début 2014 : j’ai commencé à bloguer, j’ai publié deux livres et j’ai écrit des articles sur la beauté d’avoir 60 ans. Je me sentais comme si j’avais conquis mes démons et je voulais avoir l’occasion d’être « normale », comme tout le monde ; de ne pas être liée à une pilule tous les jours. J’ai décidé d’arrêter les médicaments et mon médecin a appuyé ma décision.
La spirale descendante a commencé presque immédiatement. Au début, les changements étaient subtils : je ne dormais pas bien. Je suis devenue plus irritable. Alors que les jours passaient, j’avais un sentiment d’urgence à propos de tout, que ce soit d’avoir une nouvelle coupe de cheveux ou l’organisation de mes finances. Tout était extrême.
Même là, je croyais que j’allais bien, que j’avais tout sous contrôle. Je travaillais encore. Je voyais des amis. Je prenais un cours spirituel pour le plaisir. Je croyais que j’étais heureuse. Ce que je ne savais pas, c’est que je m’étais perdue.
En février, j’ai essayé de faire rentrer ma voiture dans un arbre. Je n’ai aucune mémoire réelle de cela, à part que j’ai dévié de la route au dernier moment. Puis, je suis allée travailler et pendant six heures, j’ai fait ce que nous qui souffrons de cette maladie faisons : je n’ai pas fait mon travail. À la fin de la journée, une conversation avec mon patron a précipité un torrent de larmes et il a pris des mesures pour m’obtenir l’aide dont j’avais désespérément besoin.
J’ai eu la chance qu’il soit là pour moi, mais ce n’est pas toujours le cas pour les gens qui souffrent de cette maladie. Affronter la dépression effraie beaucoup de gens parce qu’elle les fait se sentir impuissants. C’est là l’énigme. Ceux qui souffrent de cette maladie souvent ne chercheront pas de l’aide par peur du jugement. Ceux qui ne souffrent pas de dépression ne la connaissent souvent que par des personnes stéréotypées que nous voyons dans les films ou la littérature (comme Jack Nicholson dans The Shining).
Quand quelqu’un qu’ils connaissent (ou quelqu’un de célèbre) se suicide, il y a des jugements inévitables attachés à l’acte : c’étaient des lâches, ils ne pensent pas à ceux qui sont restés derrière, etc.
En tant que personne qui a lutté contre la dépression, j’aimerais qu’il y ait plus de compréhension autour de cette question. Avec les médicaments, les suicides peuvent parfois être évités, tout comme parfois des médicaments pour l’hypertension artérielle peuvent empêcher une crise cardiaque. Mais nous n’avons jamais blâmé quelqu’un pour sa maladie cardiaque.
Pendant que j’écris ceci, je m’inquiète de la façon dont je vais être jugée pour avoir parlé de mon expérience. Vais-je être perçue comme « folle » ? Les gens vont-ils marcher sur des œufs avec moi de peur que je me contrarie en leur présence ?
Mon espoir est de créer un peu plus de compassion dans le monde autour d’un sujet sensible. La dépression est une question physiologique. Ce n’est pas une raison pour s’éloigner des victimes ou porter un jugement comme si elles étaient faibles ou confuses.